Mémoire sur la complémentarité des approches en compostage

Par ici pour la version téléchargeable de notre mémoire

 

 Mémoire de Craque-Bitume, collectif en écologie urbaine
au sujet du Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles (PMGMR) 2016-2021
de la communauté métropolitaine de Québec (Rive-Nord)


Après avoir pris connaissance de ce projet, nous souhaitons exprimer notre point de vue et formuler quelques recommandations en regard de ce qui y est énoncé. En fonction de notre champ d’expertise, notre propos portera essentiellement sur la valorisation des matières organiques et plus spécifiquement sur le compostage.

Notre objectif principal est de valoriser la pratique du compostage communautaire et domestique et ce, dans le but d’aider les décideuses et décideurs à reconnaître la complémentarité des différentes approches en gestion des matières organiques. De notre point de vue, il faut éviter de miser uniquement sur la biométhanisation pour atteindre les cibles provinciales de valorisation de ces matières. Notre deuxième but est de démontrer l’importance de financer adéquatement les efforts d’éducation, de sensibilisation et d’information pour arriver à atteindre l’ambitieux objectif de valoriser 62 % des matières organiques (CMQ, 2015).

 

Importance du compostage domestique et communautaire

Nous savons que la Ville de Québec travaille actuellement à la mise en oeuvre de solutions à grande échelle afin de permettre à toutes ces citoyennes et tous ses citoyens de composter. Nous sommes cependant d'avis qu'il ne faut pas attendre l'ouverture de l'usine de biométhanisation pour valoriser davantage la pratique du compostage. Il importe, d’ailleurs, de se rappeler que la finalité de la biométhanisation n'est pas exactement la même que celle du compostage à plus petite échelle. En effet, une usine de biométhanisation vise surtout la production d'énergie, via un gaz à brûler, alors que le but premier du compostage communautaire ou domestique demeure la transformation des matières organiques en une terre fertile, surtout utile pour amender les sols et favoriser la croissance des plantes.

De plus, il ne faudrait surtout pas oublier que selon la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles (plan d’action 2011-2015), « […] les compostages domestique ou communautaire, qui réduisent à la source la quantité de matière organique putrescible à gérer, doivent d’abord être encouragés » (1). Ce point de vue est tout à fait logique car le  compostage in situ permet de minimiser les externalités environnementales corollaires d’une gestion industrielle et à grande échelle des déchets organiques. Une gestion « la plus locale possible » permet d’éviter les nuisances liées à la pollution sonore et atmosphérique qui vont de pair avec le traitement à grande échelle des matières putrescibles. Le compostage communautaire et domestique permet également aux utilisatrices et aux utilisateurs de disposer de leurs matières quand bon leur semble. Il s'agit donc d'une flexibilité considérable que la collecte par camion ne permettra jamais d’atteindre.

Le compostage à petite échelle permet aussi de responsabiliser et de sensibiliser les citoyen·ne·s en les invitant à s'impliquer directement dans la gestion de leurs matières résiduelles. Il incite à considérer ces matières comme des ressources plutôt que comme des déchets. Il favorise ainsi une prise de contact avec les cycles naturels, même dans un milieu de vie urbanisé. Le compostage communautaire, quant à lui, est spécifiquement une solution au « peu d’espace disponible pour les équipements de récupération », surtout lorsqu'on lui dédie un espace sous-utilisé. Il est également plus facile de verdir les lieux à proximité des compostières en raison de la production d'une terre fertile. En d’autres mots, le compostage à plus petite échelle permet de disposer d'un compost de grande qualité et permet à ceux et celles qui le produisent de l'utiliser pour embellir leur milieu de vie. Cela contribue, bref, à construire des villes à échelle humaine tout en permettant aux gens de garder le contrôle sur la ressource « compost ».

Un autre intérêt du compostage communautaire est d’offrir une visibilité aux bonnes pratiques de valorisation des déchets organiques. Dans la mesure où les sites sont bien gérés, de tels projets contribuent largement à diminuer les préjugés et les réticences qui entourent le compostage. Plusieurs personnes auront à modifier leur comportement et cela nécessitera certainement d’importants efforts.


L’importance de financer adéquatement le volet Information-Sensibilisation-Éducation (ISÉ)

Avec un plan d’action étalé sur cinq ans et un investissement prévu de 140 000 $ dans des campagnes annuelles d’ISÉ ciblées selon la clientèle, nous sommes d’avis que la somme proposée n’est pas suffisante vu l’ampleur du défi posé par la réceptivité sociale et la disposition à qualifier certains comportements pour arriver à valoriser collectivement et convenablement nos matières organiques. En effet, il ne faudrait pas sous-estimer ce défi. Pour s’en convaincre, on peut porter attention à l’étude Portrait des comportements et attitudes des [citoyen·ne·s] [québécois·e·s] à l’égard des 3RV de Recyc-Québec (2) . On y apprend que « 52 % des [répondant·e·s] font de la récupération en vue du compostage là où le service municipal de collecte est accessible, contre 17 % là où ce service n’est pas disponible » (3). On peut donc en conclure que l’instauration d’un service municipal de collecte des résidus organiques constitue un incitatif très important à la valorisation de ce type de matière, mais qu’un tel service est insuffisant pour atteindre le niveau de valorisation souhaité.

Dans cette même étude, on apprend aussi qu’une importante proportion des répondant·e·s considère difficile de participer à cette collecte. En effet, 29 % pendent que c’est plutôt exigeant et 17 % croient que c’est très exigeant de faire ce qu’il faut pour composter lorsqu’un service de collecte municipale est offert (4). Ainsi, pour près de la moitié des personnes interrogées  (46 %), rien n’est encore acquis en ce qui concerne la modification de leur comportement. En effet, « [l]es [répondant·e·s] sont beaucoup plus sensibles aux barrières associées à la collecte des résidus alimentaires [qu’elles et ils] ne le sont aux inconvénients associés à la récupération des matières recyclables. La présence de mouches (60 %) et les odeurs (59 %) sont les principales raisons qui découragent environ six personnes sur dix de participer à la collecte des résidus de cuisine » (5). Pourtant, ces inconvénients peuvent assez facilement être évités avec quelques trucs simples. On comprend donc qu’une bonne proportion de la population a besoin de conseils ou d’encadrement pour faciliter le tri des déchets. Nous pensons que les efforts d'éducation, d’information et de sensibilisation mériteraient d'être davantage soutenus par la Ville.

 

En résumé, nous croyons fermement que les approches de compostage à petites échelles devraient être encouragées et soutenues, même une fois l’implantation de l’usine de biométhanisation réalisée. Nous recommandons, en d’autres mots, de maintenir les programmes qui font la promotion du compostage domestique et communautaire, car miser uniquement sur une façon de faire n’est certes pas le moyen d’accommoder le plus de gens, d’autant plus que les solutions à petites échelles sont davantage écologiques.

Nous aimerions conclure ce court mémoire en rappelant l'importance d'investir dans le domaine de l’éducation, la sensibilisation et l’information afin que davantage de personnes s'impliquent personnellement en faveur de l'environnement. La Ville de Québec et la CMQ ont certainement un rôle à jouer à cet égard si elles souhaitent concrétiser leurs engagements en faveur du développement durable, de la lutte aux changements climatiques et de la réduction du volume de déchets produits sur son territoire. 

 

(1) http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php? type=3&file=/Q_2/Q2R35_1.HTM (consulté le 7 janvier 2016).

(2) http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/Q_2/Q2R35_1.HTM (consulté le 6 janvier 2016).

(3) Portrait des comportements et attitudes des citoyens québécois à l’égard des 3RV de Recyc-Québec, p.98

(4) idem, p 9.

(5) idem, p. 9

 

MÉDIAGRAPHIE


Recyc-Québec, 2015, Portrait des comportements et attitudes des citoyens québécois à l’égard des 3RV Étude réalisée par Recherches et sondages SOM, 132 p. (disponible en ligne : http://www.recycquebec.gouv.qc.ca/Upload/Publications/etude-portrait-comportements-citoyens.pdf)

CMQ, 2015, Document de présentation et Guide pour la consultation publique projet de plan métropolitain de gestion des matières résiduelles (PMGMR) 2016-2021 de la communauté métropolitaine de Québec (Rive-Nord), 24 p. et 12 p.

Politique québécoise de gestion des matières résiduelles : Loi sur la qualité de l'environnement (chapitre Q-2, a. 53.4) http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/Q_2/Q2R35_1.HTM